Augmenter la croissance potentielle de la France

Résumé de la note n°16 "Redresser la croissance potentielle de la France" du Conseil d'Analyse Economique

Le CAE est un groupe d'économistes chargé de fournir des conseils de politique économique au Premier Ministre.


Les pistes pour favoriser la productivité sont du côté de la formation, de l'investissement et de l'innovation



Selon les modèles utilisés par le CAE, 1% de croissance économique nous mènerait en 25 ans à une dette de 145% du PIB couplée à un déficit de 9 %. A l'opposé, 1,6% de croissance annuelle conduirait à une dette de 50% du PIB assortie d'un budget à l'équilibre.

Augmenter la croissance potentielle c'est augmenter notre niveau de vie et conserver notre système de protection social.

La croissance dépend du travail, du capital et de leur productivité respective.


Diagnostic :

La croissance de la productivité horaire ou et de la productivité par personne diminue depuis 45 ans. La productivité par personne dépend du stock de capital par personne et de la productivité globale des facteurs[1] (PGF, l'efficacité du couple travail/capital). La PGF stagne en France depuis 15 ans alors qu'elle a continué à augmenter aux USA et en Suède.

On retrouve cette tendance à la baisse de la croissance de la productivité dans l'analyse par secteur d'activité, à l'inverse des USA ou de l'Allemagne.
Cette baisse de la productivité n'est pas due à la réduction du temps de travail (même tendance pour la productivité par personne et pour la productivité horaire) ni au poids (quasi-équivalent avec les USA) du secteur des technologies de l'information.

Les Causes possibles :

Recul de l'industrie manufacturière ?
Cette cause est limitée car, finalement la part de l'industrie dans le PIB a seulement diminué de 6 % à prix constant entre 2000 et 2007.

Sous investissement en capital productif ?
En France, l'investissement brut (donc comprenant la construction) est fort, tandis que l'investissement productif (machines, équipements, logiciels) est dans la moyenne des pays de l'OCDE. Mais les études de l'INSEE montre que l'investissement a surtout servi à remplacer les capacités existantes plutôt qu'a installer de nouvelles technologies. Ainsi, La robotisation est très en retard par rapport à l'Allemagne, les USA ou la Suède. Cependant, ce faible investissement en technologie peut être relié à la faible part de l'industrie dans le PIB.

Au sein de l'industrie, la baisse des marges entraine la baisse de l'investissement qui entraine la baisse des marges. C'est un cercle vicieux, et une explication possible au sous investissement. Une des explications de la baisse des marges est la faible concurrence dans les services aux entreprises, l'énergie et les transports. Cela pèse sur les entreprises industrielles exportatrices qui ne peuvent répercuter ces coûts dans leurs prix de vente, concurrence internationale oblige. Ce manque de concurrence freine aussi l'innovation.

Recherche et développement trop faible qui se traduit trop lentement en innovation ?
Le progrès technique, part importante de la productivité globale des facteurs, résulte de la R&D. Le budget R&D de la France  en pourcentage du PIB est au-dessus de la moyenne européenne et en dessous de celle de l'OCDE. La comparaison avec l'Allemagne est très défavorable mais cela est normale puisque notre secteur industriel est beaucoup plus petit et que nos grandes entreprises sont dans des secteurs de moindre intensité technologique.

Notre production de brevet est très moyenne, notre proportion d'entreprises innovantes faible, par rapport à l'Allemagne ou la Suède mais cela peut être expliqué par un secteur des services plus important chez nous.

Taux d'emploi et compétences insuffisants ?

Education et travail
La moyenne annuelle d'heures de travail est comparable aux autres pays européens.
En revanche les "moins de 25 ans" et les "plus de 54 ans" ont un taux d'activité bien plus faible qu'ailleurs.
L'enquête de l'OCDE sur l'évaluation des compétences des adultes nous place très en retard par rapport à nos concurrents occidentaux.
Etrangement, les jeunes sortant de l'enseignement secondaire professionnel n'ont pas moins de risques vis à vis du chômage que ceux sortant de l'enseignement général. Seul un jeune sur 10 en formation professionnelle est en alternance.

Education et changement technologique
Il y a un grand écart entre les compétences de la population active et celles attendues par les entreprises. A taux de chômage équivalent, le nombre de postes vacants est, chez nous, du double de l'Allemagne et de la Suède. Notre taux de surqualification est inférieur à celui des USA et de la Suède, notre taux de sous-qualification leur est supérieur.

Conclusion : 9 recommandations

Estimer une croissance potentielle est délicat, les erreurs de prévisions sont conséquentes quant aux finances publiques, il faut donc prévoir différents scénarios dont un particulièrement pessimiste.
R1 : prospective publique systématique et indépendante

Deux axes : qualité de la main d'oeuvre et incitations à investir et innover.

Force de travail
R2 : renforcer l'alternance dans les filières professionnelles.
R3 : adapter les formations aux besoins des entreprises et ce au niveau régional en évaluant les formations quand à leur performance en accès à l'emploi.
R4 : augmenter les formations professionnelles post-bac à fort débouché, réduire les filères générales de l'enseignement supérieur, moduler les bourses à la hausse pour les secteurs porteurs.
R5 : permettre plus de formation en alternance pour les plus de 25 ans.
R6 : aligner à la baisse la durée d'indemnisation chômage des plus de 50 ans sur le reste de la population active.
 
Investissement et recherche

R7 : simplifier les procédures administratives et financières du crédit impôt recherche.
Le compléter par des aides dans des domaines à fortes externalités[2].

Les nouvelles entreprises sont exclues des fonds de capital-risque. Par ailleurs nous exportons plus de capital-risque que nous en importons, y aurait-il un manque de projets innovants ?
R8 : étudier les causes de la faible rentabilité du capital-risque.
Abandonner les entreprises peu rentables et, au contraire, soutenir les entreprises innovantes en phase d'amorçage.

R9 : Modifier la réglementation dans les secteurs des services intermédiaires et du transport pour une plus grande concurrence, susceptible de faire baisser les coûts de l'industrie, augmenter ses marges et encourager ses investissements.

La France a une forte potentialité de progression à cause de son sous-emploi et des progrès possibles en terme de qualifications professionnelles et de diffusion des technologies.



[1]Productivité globale des facteurs :
La productivité globale des facteurs (PGF) est une mesure du progrès technique, du niveau technologique des pays. Elle peut être calculée comme le rapport entre le volume produit et la quantité de facteurs utilisée. La croissance de la PGF correspond au « résidu », c’est-à-dire à la part de la croissance du PIB qui n’est pas expliquée par l’accumulation des facteurs. source : Annotations

[2]Externalités :
Il y a externalité lorsque l’action d’un agent influence le bien-être d’un autre agent sans que cela passe par des mécanismes de marché. L’externalité est positive lorsque l’action d’un agent accroît le bien-être d’un autre agent que ce dernier rémunère le premier. L’externalité est négative lorsque l’activité d’un agent détériore le bien-être d’un autre agent sans que ce dernier soit compensé par le premier. Les externalités constituent une défaillance de marché, ce qui justifie une intervention de l’Etat pour les corriger. source : Annotations


Agnès Benassy-Quéré, Xerfi Canal Redresser la... par GroupeXerfi

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